Fraude fiscale : une enquête de flagrance suffit à déclencher le délai de reprise de dix ans
Fraude fiscale : une enquête de flagrance suffit à déclencher le délai de reprise de dix ans
Dans sa volonté de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, le juge de l’impôt vient de confirmer une position importante : le délai de reprise exceptionnel de dix ans peut s’appliquer dès lors que les omissions fiscales sont révélées par une enquête préliminaire ou de flagrance, sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’ouverture d’une instance judiciaire.
Le cadre juridique
En matière d’impôt sur le revenu, le droit de reprise de l’administration fiscale est en principe limité à trois ans (article L.169 du LPF).
Cependant, l’article L.188 C du LPF prévoit une exception : même après expiration de ce délai, l’administration peut rectifier des omissions ou insuffisances d’imposition révélées par une procédure judiciaire ou contentieuse, et ce jusqu’à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Depuis la loi de finances rectificative pour 2015 (art. 92), ce dispositif a été élargi pour inclure explicitement les enquêtes préliminaires, enquêtes de flagrance ou examens de poursuites par le parquet.
Les faits de l’affaire
Un dirigeant d’entreprise, M. B., avait mis en place durant près de vingt ans un système de commissions occultes versées en espèces par des fournisseurs étrangers. Ces sommes, conservées à son domicile, n’étaient pas déclarées à l’administration fiscale.
Le stratagème a été découvert en février 2016, dans le cadre d’une enquête de flagrance menée par la gendarmerie. Les procès-verbaux recueillis ont révélé des paiements en espèces et permis à l’administration de requalifier ces sommes en revenus distribués imposables (article 111-c du CGI).
Sur cette base, des redressements ont été notifiés pour les années 2009 à 2015. Pour 2012 et 2013, normalement prescrites, l’administration s’est appuyée sur le délai de reprise de dix ans prévu par l’article L.188 C.
La contestation
Devant le juge, le contribuable soutenait que :
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seule l’ouverture d’une véritable instance judiciaire pouvait déclencher le délai de reprise décennal ;
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une simple enquête préliminaire ou de flagrance ne suffisait pas.
Le Conseil d’État a rejeté cet argument, confirmant que le législateur avait expressément entendu inclure ces procédures dès la réforme de 2015.
La décision du Conseil d’État
La Haute Juridiction a validé l’application du délai de reprise étendu dans ce cas précis. Elle rappelle que la révélation d’omissions fiscales lors d’une enquête de flagrance suffit à déclencher le délai de dix ans, même en l’absence d’instance pénale formellement ouverte.
À retenir
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Le délai de reprise normal en matière d’IR reste de 3 ans.
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En cas de fraude révélée par une procédure judiciaire ou contentieuse, ce délai peut être porté à 10 ans.
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Depuis 2015, ce régime couvre explicitement les enquêtes préliminaires et de flagrance.
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Les dirigeants et contribuables doivent donc être conscients que des omissions peuvent être redressées sur une période bien plus longue que le délai usuel.
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